'Sacrilège à Gargilesse' de Sylvie Pastinelli Maura

'Sacrilège à Gargilesse' de Sylvie Pastinelli Maura

EXTRAITS du roman

Conseil aux non-Berrichons: jetez un oeil au lexique dans la colonne de droite ('LEXIQUE BERRICHON').

 

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Extrait 1

 

Personnages:

 

Guiot : apprenti de Gaultier, l'ymagier-peintre de la chapelle

Raoul: chapelain de la chapelle seigneuriale

 

[...]

 

La cloche n’avait pas encore sonné l’heure de prime [1] mais il faisait déjà clair à Gargilesse. Le bas du village était dans l’ombre et le soleil caché derrière la grosse tour.

Guiot, l’aide de l’ymagier-peintre, frissonna sous son chainse [2] en toile de chanvre. Il avait oublié sa cotte près du feu de joie. Le jeune garçon, sa foène à la main, commençait à longer la rivière en aval du gué Garat quand il se frappa le front. « Ma musette à po’ssons ! Mais quel musart que j’fais ! » Il se souvint qu’il l’avait laissée dans l’atelier de peinture contigu à la chapelle.

[…] Il longea à pas de larron les murs de la fauconnerie et de la salle d’armes pour ne pas se faire voir des hommes de la garnison mais des ronflements le rassurèrent et il entra sans encombre dans la chapelle. Le garçon traversa la nef fraîche et obscure en direction de la remise où son maître entreposait le matériel de peinture. Il dépassa l’entrée du sacraire [3] mais s’arrêta soudain, étonné de voir l’huis entrebâillé. Il retourna sur ses pas et aperçut aussitôt un bout de cuir à terre. Par curiosité, il s’approcha et se baissa pour le ramasser. C’est alors qu’il nota que l’une des portes de l’armoire liturgique était entr’ouverte. Il avait reçu l’ordre de ne pas s’en approcher. Il savait qu’elle renfermait des objets précieux pour le culte. La curiosité était trop forte. Il se dit qu’il pouvait bien vite jeter un coup d’œil et refermer le battant. Il tendit l’oreille, tout était silencieux. « Si l’Raoul i’ m’y prend là, pensa-t-il, ça s’ra dix coups de verge : aussi sûr qu’la p’tite chine au Géraud va mett’e bas sous peu, vu l’ vent’e qu’all’a qui trîn-ne par terre. » Le chapelain dormait dans une pièce attenante.

Tout doucement Guiot ouvrit la lourde porte de chêne. Pourvu qu’elle ne grince pas. Il avança la tête pour voir de plus près à l’intérieur et resta pétrifié. L’armoire était vide, entièrement vide. « A la verge, j'y aurai droit pour sûr » se dit-il aussitôt. Il sursauta. Un frottement se fit entendre, tout près. Une souris. Il poussa un soupir.

Il ressortit du chastel par où il était venu et courut comme le trait d’une arbalète jusqu’à la borde chaumine de sa marraine Catherine où il vivait avec Gaultier.

 

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Extrait 2

 

Gaultier: ymagier-peintre de la chapelle

Raoul: chapelain

Guiot: apprenti de Gaultier

 

[...] En entrant dans la haute cour, Gaultier se demanda comment le voleur avait pu s’introduire dans la chapelle, sans se faire remarquer. Il alla aussitôt réveiller Raoul. Le petit homme rondouillard leva les bras au ciel.

— Sainte Marie ! La châsse de Sainte Soulange, le calice et la patène, le ciboire, les deux chandeliers! Tout est disparu !

Il enleva le couvre-chef de nuit qui cachait son crâne tonsuré et quelques mèches de cheveux bruns et frisés.

— N'avez-vous rien ouï hier soir?

— Je fus me coucher si tôt rentré. J’étais fort las, si ne suis-je point passé par le sacraire m’assurer que tout était en ordre.

Il se prit la tête dans les mains.

— Hé ! J’ai failli, je ne fus pas assez soigneux !

La clé n’était plus dans la serrure de l’armoire.

— Non, Frère Raoul,  que pouviez-vous faire ? Aussi bien, le larron fit son profit de ce que tout le village était à la jônée pour mesfaire.

Le clerc lissait sa courte barbe d’un air pensif quand il s’aperçut soudain de la présence de Guiot.

— Comment se peut-ce qu’il soit céans au coq chantant ? Comment entra-t-il en le sacraire?

— J’avins ben obelié ma musette à po’ssons dans la r’mise. J’ai terjous ben r’en fait d’mal ! bredouilla-t-il.

Raoul se précipita vers Guiot mais avant qu’il n’ait pu lever la main sur lui, le galopin détala comme un mulot poursuivi par un chat.

— Ah pautonier, que je t’attrape ! dit-il essoufflé.

Il tourna vers Gautier un visage congestionné par la colère.

— Il ne me plaît point du tout qu’il valète par ici.

— Je me fie tout en lui et requiers son assistance précieuse pour peindre les murs. Messire Audebert [4] voulut bien qu’il me soit en aide.

[...]

[1] 6 heures du matin

[2] chemise de toile fine

[3] la sacristie

[4] le père de Hugues, seigneur de Gargilesse



18/02/2018
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